Revue Bimestrielle    /    Sciences Humaines & Philosophie Pour Tous .                      

  Expressions    Libre / Numéro 6   Janvier / Février 2003 

                              Edition du 28 Janvier 2003 ( 1è édition)

VVersion Française/version Internationalea /  Edition  actualisée & corrigée  le 05/02/03 20:57

http://www.expressions-libres.or


 

                                           Numéro 6  Janvier - Février 2003

                                 

  libres de droits/Expositions Photographiques de F.de La Mure

                                                          Ministère des Affaires étrangères / service photographique /http://www.france.diplomatie.fr/photos/index.html

Ouagadougou -burkina faso 1997 F de la Mure.jpg (47305 octets)      Kukes albanie 1999.jpg (38981 octets)        

                       CONTRE LA GUERRE PRIVEE AMERICAINE   par Nadia Burgrave.

Photographe officiel du ministère des Affaires étrangères (Direction de la Presse, de l'Information et de la Communication) depuis 1985, Frédéric de la Mure ouvre ses "Carnets de route" personnels qui réunissent des clichés de ceux dont le destin peut se jouer à quelques mètres de l'événement officiel.( Photos libres de droits).On regrette que cette imagerie officielle soit muette, aucune légende n'accompagne les clichés photographiques et les contextes des photos sont ignorés. Mais si j'ai choisi d'en faire la Une du Numéro 6 d 'Expressions Libres, c'est une façon de prendre acte  de la résolution  pas vraiment surprenante de la Diplomatie française(cf les contrats qui se jouent avec l'Irak!) qui ne doit pourtant pas en rester là. En effet, l'opposition aux Etats-Unis  en ce qui concerne l'éventualité d'une guerre " privée "contre l'Irak ( cf dossier dans Expressions-libres n° 4 sur les arguments contre la guerre "préventive") doit se concrétiser par l'utilisation du véto au conseil de sécurité.Par la même occasion, les négociations pour la résolution du conflit israélo-palestinien  devraient être re-prises.L'on ne doit pas en rester là, si l'on veut recouvrer un peu plus d'équilibre dans ce monde qui en est dépourvu.

Il ne faut,du reste, absolument, pas craindre une  crise politique et  institutionnelle au sein de l'ONU mais tout au contraire la provoquer.Cette crise salutaire devrait permettre de re-définir le rôle et la place que doit prendre L'ONU désormais dans l'activité internationale. Que craignons-nous?

Que l'ONU disparaisse ? 

La belle affaire puisque sans capacité financière ,politique,structurelle,l'ONU,sans indépendance,sans vitalité démocratique à cause d'une bureaucratie compliquée et soumise aux impératifs libéraux , demeurait ce "machin utile " confisqué dans les mains des Etats-Unis pour accomplir leurs desseins et qu'elle n'existait pas au sens où exister  c'est assumer une liberté.

Expressions-libres a déjà consacré de nombreux articles ( Numéro 4) au sujet  de la Guerre contre l'Irak,des dispositifs internationaux qui pourraient être mis en place : convocation de l'Assemblée générale des Nations -Unies sur toutes les questions urgentes touchant aux conflits, saisine du conseil de Sécurité pour la protection des peuples en danger  sont des mesures à court terme capables de restaurer la confiance dans le monde,à plus longue échéance, Re-construire le Monde sur les bases d'une plus grande liberté politique ,d'une plus juste égalité économique n'est pas une nouvelle utopie ,c'est une nécessité.

Mais Sans volonté politique  seule manière de tuer le destin,les Etats-unis vont une nouvelle fois de manière unilatérale imposer leur choix au reste du monde.

Expressions-libres s'associent à la:

Nadia Burgrave/Février 2003.

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Edito: Carnets de Route

Le titre de ce nouveau numéro d'Expressions Libres m' a été surtout suggérée par le re-lecture des oeuvres de Joseph Conrad et de Sven Lindqvist.Tous les deux ont connu des expériences similaires lors de voyage dont ils rapportèrent des carnets de route dérangeants et poétiques car loin de se conformer à un imagerie officielle, Joseph Conrad par exemple opta comme beaucoup d'autres écrivains anglais de son époque  pour un fantastique ironique mais dénonça à sa façon  l'horreur de l'impérialisme britannique .Sven Lindvisq quant à lui ,écrivain suédois contemporain,  tout aussi captivant avec une écriture qui brise les canons formels n'en propose pas moins une odyssée qui remonte aux origines de l'extermination  depuis l'impérialisme européen.

En vue,Le colonialisme grâce à une sortie éditoriale  de poids avec Marc Ferro  qui a dirigé une  somme remarquable par l'ampleur du travail.Nul besoin de dire que le sujet mérite toute notre attention non seulement pour  mieux connaître Toutes les  faces de l'Europe,la face éclairée de la terre de l'humanisme,des Lumières et des grandes Révolutions généreuses  bien connue mais aussi la  face cachée,celle  des obscurités et des barbaries au nom même de sa mission civilisatrice qu'il faut explorer.Si l'ethnocide n'est pas proprement européen,il est pour  l'Europe néanmoins impardonnable.

Et le sujet mérite qu'on s'y attarde car ,il prend sens aussi dans ce présent . En effet, comment croire que le colonialisme a  réellement disparu dans les mentalités,les dispositions de pensées et les pratiques politiques à l'échelle internationale quand il a été "expurgé " de la mémoire collective ?

comment croire qu'il ne déguise pas sous une nouvelle forme ? Nombreux ont été ceux qui ont dénoncé le paternalisme (comme on le voit encore entre la France et l'Afrique à propos de la crise ivoirienne ),le néo-colonialisme des grandes puissances à l'égard des états dominés,un peu plus rarement dans ce monde de réseau  par l'exploitation des multinationales dans le cadre de la division internationale du travail etc...

C'est ce regard tourné vers le passé qui permettra d'avancer dans le présent.

Ce Numéro 6 fait aussi une place à Karl Korsch,penseur oublié dont la critique des orthodoxies staliniennes et communistes ou social-démocrates  dès  Les années 20 ( comme celle de Lukàsc) n'a pas réussi à éclore  et à fonder une école de pensée.  Kostas Axelos  s'interrogeait  en 1964  dans la célèbre introduction à "Marxisme & Philosophie " sur  cette pensée qui n'a pas connu de destin,.Plus tard elle se répandit dans les milieux étroits de l'extrême gauche, du situationnisme et de l'anarchisme où elle resta enfermer.

Le tort de Karl Korsch dit Kostas Axelos c'est d'avoir eu raison trop tôt  quand il dénonça d'un côté le réformisme  social-démocrate européen  comme l'autoritarisme communiste en URSS.

Enfin,nous poursuivons le débat entamé dans le numéro précédent sur la Laïcité et ses enjeux.

Bonne lecture ...

Nadia .Burgrave@expressions-libres.org


                                  Sommaire  du  Numéro 6:

- Exterminez toutes ces brutes : lecture et dénonciation du fait colonial.

- Korsch : Anti-Critique/Anti-Destin

- Débat : La Laïcité en France & en Europe.

        Exprimez-vous dans le forum 

- Questions Impertinentes: Copy-Right,Copyleft,La Femme,le pouvoir et la religion, Le bénévolat c'est le vol?                           

- Ecran  :  Gangs of New York le dernier scorcese, Décryptage ...

- Nouveautés des Pages du Supplément : Littéraire,Internationale,Philosophique, Galllery ...

--Manifesto: quelques manifestationS, pétitionS & protestationS...


Burgrave Nadia 1 couleur noir_WEB.jpg (15081 octets)

                  Exterminez toutes ces brutes,enquête sur l’ironie conradienne.

  Exterminez toute ces brutes,c’est la phrase que prononce Kurtz dans,Au cœur des ténèbres,de Joseph Conrad( 1902) qui est le point de départ d’une formidable enquête historique,une quête de sens des mots et des choses que l’auteur, Sven Lindqvist,  a repris  comme titre de son livre.

Peu connu en France, Sven Lindqvist est pourtant un auteur majeur de la scène littéraire suédoise dont la littérature engagée et expérimentale est d’une grande richesse à la fois formelle et idéologique.

Et c’est en cela que le livre Exterminez toutes ces brutes est exemplaire.le livre se présente sous la forme d’un récit de voyage qui nous emmène en Afrique sur les lieux marqués par le colonialisme, composé de 169 courts chapitres qui scande l’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen .Mais sur le fond,il est un essai magistral qui démontre comment «  Auchwitz fut l’application moderne et industrielle d’une politique d’extermination sur laquelle reposait depuis longtemps la domination du monde par les Européens ».La composition,le style,la démarche en font, somme toute, un ouvrage novateur et original,l’histoire d’un homme qui voyage en bus à travers le désert et à travers l’histoire du concept d’extermination.

Les notes à la fin du livre  confirment ce qu’on pressent dès les premières lignes .Sven Lindqvist s’appuie sur une remarquable documentation puisée dans les archives des administrations coloniales britannique,française,allemande,dans la grande presse de l’époque,dans l’œuvre de Conrad et de la littérature anglaise,sans oublier le dialogue avec les différentes interprétations politique et historique.

Et l’on remonte comme Joseph Conrad remonta le fleuve Zaïre,le cours des pratiques génocidaires et les discours racistes de son époque quand la rhétorique civilisatrice signifiait exterminer.

Massacres après massacres  ,les Européens s’imposent  par la force et par leur maîtrise technique à tuer  massivement (de l’artillerie  aux balles dum-dum dont ces dernières furent prohibées entre Etats civilisés en 1899 mais réservées à la chasse aux gros gibiers et aux guerres coloniales).Et puis biensûr, tout l’ordre discursif est passé aux cribles,depuis G. Cuvier sur l’extinction des espèces à C. Darwin sur la sélection naturelle,de A.R Wallace à F.Ratzel sur les races inférieures et l’espace vital  ou les philosophies d’H.Spencer et E.Von Hartmann qui professent doctement « qu’il n’y a guère d’humanité à prolonger artificiellement la lutte contre la mort de sauvages qui sont au bord de l’extinction .le véritable philanthrope s’il a compris la loi naturelle de l’évolution anthropologique ,ne peut ne pas désirer une accélération de l’ultime convulsion et œuvrer à cette fin » que reprennent en écho la Presse et les discours politiques justifiant et légitimant les guerres et les conquêtes coloniales.

L’essai de Sven Lindqvist s’inscrit dans la lignée des travaux de K.Korsch (1942),H.Arendt (1951)puis R.L.Rubenstein (1987) qui ont établi un lien direct entre génocide nazi et génocides coloniaux.L’historiographie a pu diverger, ensuite, sur la place à accorder à la première guerre mondiale (G.L Mosse) ou sur l’unicité phénoménologique du Génocide juif (S.T Katz) ou bien encore du paradigme de civilisation (A.Mayer ou E.Traverso) pour expliquer l’origine du génocide européen.

Il en ressort, cependant, qu’Exterminez toutes ces brutes fait œuvre de mémoire  comme le livre noir du colonialisme  sous la direction de Marc Ferro qui vient de sortir aux Editions Robert Laffont.Le point commun de ces deux livres en dehors de la dénonciation  du fait colonial est de s’interroger sur cette conscience européenne qui affecte de croire,aujourd’hui, qu’elle ne savait rien des massacres perpétués ici et là.Or les faits étaient connus.C’est ainsi que prend sens toute l’horreur de l’ironie conradienne.

Nadia Burgrave (c) /janvier 2003/

Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes,L’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen,traduit du suédois par Alain Gnaedig, Le Serpent à Plumes,1999, ré-édité en 2002, 238 p. 15.09 €

 

.."À ce tournant du millénaire, par un retournement des mentalités lié aux drames du siècle passé, à la prise de conscience des violences commises ici et ailleurs, une partie de l'opinion des vieilles nations européennes s'est inscrite dans une idéologie des droits de l'homme qui pointe l'ensemble des crimes commis au nom de l'État rouge ou brun, de l'État-nation et des «victoires de la civilisation». 
Généreuses dans la dénonciation des crimes du communisme ou du nazisme, ces sociétés occidentales affectent volontiers de croire aujourd'hui que ceux du colonialisme leur ont été cachés. Or cette croyance est un mythe, même si certains des excès commis ont bien été expurgés de la mémoire commune. 
Ainsi, en France, les manuels scolaires des deux premiers tiers du xxe siècle, relataient avec quel entrain Bugeaud et Saint-Arnaud brûlaient les douars lors de la conquête de l'Algérie, comment aux Indes, lors de la révolte des Cipayes en 1857, des officiers anglais plaçaient des hindous et des musulmans à la bouche des canons, comment Pizarre exécuta Atahulapa Yupanqui, comment Gallieni passait les Malgaches au fil de l'épée. Ces violences étaient connues et, pour l'Algérie, dès l'époque de Tocqueville. Au Tonkin, des témoins ont vu cent fois «des piquets surmontés de têtes, sans arrêt renouvelées», ce que reproduisaient les magazines de la métropole. Le manuel Malet-Isaac, édition 1953, écrivait qu'après la révolte kabyle de 1871, «la répression fut prompte et vigoureuse, avec exécutions, déportation des chefs, lourdes amendes et confiscation des terres». Le général Lapasset, que cite Charles Ageron en 1972, jugeait dès 1879 que «l'abîme créé entre colons et indigènes serait un jour ou l'autre comblé par des cadavres». 
Tous ces faits étaient connus, publics. Mais s'il était avéré que les dénoncer avait pour but de mettre en cause «l'œuvre de la France», leur existence était niée; le gouvernement peut avoir tort, mais mon pays a toujours raison… Intériorisée, cette conviction demeure; elle se nourrit autant de l'autocensure des citoyens que de la censure des autorités. Encore aujourd'hui, par exemple, aucun des films ou émissions de télévision qui «dénoncent» des abus commis aux colonies ne figure parmi les cent productions en tête du box-office ou de l'indice d'écoute. 
Outre-Atlantique, le retournement concernant l'extermination des Indiens a eu lieu, un type de western succédant à un autre avec la «Flèche brisée» de Delmer Daves (1950), film pro-indien et antiraciste produit avant les crimes commis par l'aviation américaine pendant la guerre du Vietnam et qu'allait perpétuer le retournement; mais dans la réalité, cette prise de conscience n'a guère modifié la politique de Washington vis-à-vis des «réserves» indiennes. En Australie, la prise de conscience, due à l'action des aborigènes et des juristes est encore plus récente: mais la «majorité démocratique» blanche s'oppose à ce qu'elle soit vraiment suivie d'effets. 
Ces constatations nécessitent une remise en perspective du rôle des principaux acteurs de l'Histoire, en métropole ou aux colonies, voire des découpages chronologiques que la tradition a institués..."


 Idées : Anti-critique  / Anti-destin

Karl Korsch par Paul Mattick ( 1964)

Né en 1886 à Tostedd dans les landes de Lunebourg, Karl Korsch est mort en 1961, à Cambridge Massachusetts. Issu d'une famille de la classe moyenne, il fréquenta le lycée de Meiningen avant d'entreprendre des études de droit, d'économie, de sociologie et de philosophie à Iéna, Munich, Berlin et Genève. Il obtint en 1911 le titre de docteur en droit (Doktor Juris) de l'Université d'Iéna. De 1912 à 1914, il est en Angleterre où il étudie et pratique les droits anglais et international. La première guerre mondiale le ramène e: Allemagne et il est incorporé clans l'armée allemande où il passe les quatre années suivantes : il y gagne deux blessure et subit dégradation et promotion militaires au gré des fluctuations politiques. Personnellement, il prend position contre la guerre, ce qu'il exprimera en adhérant au Parti socialiste indépendant d'Allemagne (U.S.P.D.).

En étudiant le droit, Korsch s'était rendu compte de la nécessité de remonter à la base matérielle de celui-ci, c'est à dire à l'étude de la société. La débâcle devait transformer le socialiste d'avant-guerre en socialiste révolutionnaire. Professeur en titre de l'Université d'Iéna depuis 1924, ses préoccupations et son activité principale étaient essentiellement politiques. Par suite de la fusion des socialistes indépendant: et des communistes, en 1921, Karl Korsch devint député communiste à la diète de Thuringe, ministre de la justice de cet Etat, -dont le gouvernement ouvrier dura presque trois semaines de l'an 1923, et de 1924 à 1928, député au Reichstag. Pendant cette période il écrit beaucoup sur les sujets politiques et théoriques qui passionnaient le mouvement ouvrier radical de la première après-guerre. Rédacteur de l'organe théorique du parti communiste - die Internationale - il devait peu après éditer le journal d'opposition Kommunistische. Politik pour lequel il écrivait également des articles.

Mécontent de l'évolution de plus en plus opportuniste l'Internationale communiste après 1921, Korsch, dont la connaissance et la compréhension de la théorie marxienne était. supérieures à celles de la plupart des théoriciens éminents du parti, ne pouvait qu'entrer rapidement en conflit avec l'idéologie officielle du parti bolchevique. En 1926, leurs routes devaient diverger. Il devint alors porte-parole de l'a. gauche radicale du parti communiste Entschiedene Linke qui, bien qu'adhérant encore au parti, était considérée, par suite du caractère de cette organisation, comme ennemie la troisième Internationale. Après 1928, Korsch poursuivit ses activités politiques en dehors de toute organisation définie. Il commença d'écrire pour les revues qui lui restaient ouvertes, prépara une nouvelle édition du premier volume du Capital, voyagea, fit des conférences dans divers pays et écrivit une étude sur Karl Marx destinée à une collection sur les sociologues modernes publiée par un éditeur anglais.

L'arrivée de Hitler au pouvoir, en 1933, contraint Korsch à quitter l'Allemagne. Il passe en Angleterre, réside pour une courte période au Danemark, puis, en 1936, émigre aux Etats Unis. Tout en exerçant une charge d'enseignement à la Nouvelle-Orléans, Korsch, pendant les années passées en Amérique, se consacre à la théorie marxienne. En Amérique comme en Allemagne, son influence principale fut celle de l'éducateur. Ses amis, respectueusement, l'appelaient le "Lehrer". Ses connaissances encyclopédiques, son acuité d'esprit le désignaient pour ce rôle particulier bien qu'il eût préféré être " au cœur des choses ", c'est à dire mêlé aux luttes réelles pour le bien-être et l'émancipation de la classe ouvrière, à laquelle il s'identifiait. Son intelligence, son intégrité morale, le mettaient à part, lui interdisaient de participer à la "curée " qui était une des caractéristiques saillantes et du monde académique et du mouvement ouvrier officiel. Le fait que sa mort soit passée à peu près inaperçue semble confirmer la conviction, nourrie par Korsch, que le marxisme révolutionnaire ne peut exister qu'en liaison avec un mouvement révolutionnaire de la population laborieuse.

Les répercussions de la première guerre mondiale, et plus encore celles de la Révolution russe, firent éclater violemment la crise qui minait depuis longtemps le marxisme et le mouvement ouvrier occidental. Avant la guerre, la social-démocratie s'était divisée, sur des bases théoriques, en aile "révisionniste" conduite par Edouard Bernstein et en aile "orthodoxe" représentée par Karl Kautsky. La guerre devait révéler que ces deux tendances ne recouvraient en fait qu'une même activité réformiste, sociale-patriote, fondée sur la collaboration des classes. Les éléments les plus extrêmes de l'aile gauche du mouvement socialiste international et leurs représentants les plus en vue, Lénine en Russie, Rosa Luxembourg en Allemagne, cessèrent de se réclamer de l'"orthodoxie marxiste", exigeant un retour à l'unité de la pratique et de la théorie socialiste depuis longtemps perdue.

Le "révisionnisme" avait rejeté le marxisme révolutionnaire et ne représentait donc pas un problème pour les socialistes extrémistes. Au contraire. l'"orthodoxie" de Kautsky contraignait à une lutte sur deux fronts contre la social-démocratie et son apparente justification : sa phraséologie marxiste. Et cette lutte, qui s'efforçait de ressusciter un nouveau mouvement ouvrier en utilisant la tradition socialiste radicale, eût comme slogan : "Retour à Marx". Mais, comme aussi bien les ennemis que les disciples de l' " orthodoxie "de Kautsky en appelaient à l'œuvre de Marx, il était tout à fait indiqué de se poser la question : " Qu'est-ce que le marxisme ? ". Et d'ailleurs en quoi et jusqu'à quel point le marxisme du temps de Marx gardait-il encore de la valeur dans les conditions modifiées du siècle nouveau? Les conditions révolutionnaires .survenues après la première guerre mondiale faisaient naître un regain d'intérêt pour la théorie marxienne.

De 1922 à 1924, Korsch écrivit une série d'études contre "l'orthodoxie" de Kautsky, poussant au rétablissement du contenu révolutionnaire du marxisme. A la suite de la publication du livre de Kautsky, La Conception matérialiste de l'histoire, où celui-ci abandonnait son ancien point de vue, Korsch se livra à une nouvelle analyse systématique et critique du " marxisme doctrinaire". La terminologie de Kautsky ne s'était que peu modifiée, mais son interprétation des textes de Marx venait ouvertement à l'aide des émasculateurs révisionnistes du mouvement socialiste. Ses idées su l'évolution, la société, l'Etat, la lutte de classes servaient plutôt la bourgeoisie que la classe ouvrière. Korsch le fit remarquer. Ce caractère trouvait son expression théorique dans les efforts de Kautsky pour présenter la conception matérialiste de l'histoire comme une "science" indépendante qui n'était pas nécessairement associée à la lutte de classe prolétarienne Et, selon Korsch, ceci revenait à transformer le marxisme en une pure idéologie qui, parce qu'elle veut ignorer ce qui la conditionne, se prend pour une "science pure".

C'est sous cette forme idéologique que le matérialisme dialectique de Marx en vint à dominer le mouvement socialiste mais c'est aussi sous cette forme qu'il perdit tout sens révolutionnaire. Sans rejeter l'appellation de "socialisme scientifique" par opposition à "socialisme utopique". Korsch ne pouvait admettre que le marxisme fût ou put devenir une "science" au sens bourgeois du terme. Le Capital, par exemple, n'est pas l'économie politique, mais la "critique de l'économie politique " du point de vue du prolétariat. De même en ce qui concerne tous les autres aspects du système de Marx, il ne s'agit pas de remplacer la philosophie, l'histoire ou la sociologie bourgeoises par une nouvelle philosophie histoire ou sociologie, mais par une critique de la théorie et de la pratique bourgeoises dans leur ensemble. Le marxisme n'a aucune intention de devenir une science "pure", mais veut démasquer le caractère de classe " impur " et idéologique de la science et de la philosophie bourgeoises.

Dans sa jeunesse, Marx avait adopté un point de vue philosophique. Dans la terminologie dont il usa plus tard, il le caractérisa comme une position idéologique dont il fallait s'affranchir. De la critique idéologique, il aboutit à la "critique de l'idéologie" et de là à la "critique de l'économie politique". La conception matérialiste de l'histoire - c'est à dire la thèse de Marx selon laquelle "l'ensemble des conditions de production constitue la structure économique de la société, la base réelle, sur quoi s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées" - ne lui vint pas d'une tentative scientifique ou philosophique de découvrir "les lois générales de l'évolution sociale", mais d'une critique matérialiste de la société et de l'idéologie bourgeoise.

Selon les conceptions de Korsch, le marxisme ne constitue ni une philosophie matérialiste positiviste, ni une science positive. Toutes ses propositions sont spécifiques, historique concrètes, y compris celles qui ont l'apparence de l'universel. Même la philosophe dialectique de Hegel, dont la critique servit de point de départ à l'œuvre de Marx, ne peut être, correctement comprise que si on la relie à la révolution sociale et que si on la considère, non comme une philosophie de la révolution en général, mais seulement comme l'expression, dans le domaine des idées, de la révolution bourgeoise. Et comme telle, elle ne traduit pas le processus entier de cette révolution, mais seulement sa phase terminale, comme on peut le voir dans son accord avec les réalités immédiates.

Le processus révolutionnaire était terminé, la relation dialectique entre développement réel et développement des idées a perdu tout sens pour la bourgeoisie. Il n'en est pas de même pour la classe prolétarienne soumise à sa loi et son exploitation. De même qu'elle ne peut transcender la pratique sociale de la société bourgeoise, sauf dans le genre idéologico-idéaliste, la théorie bourgeoise ne peut aller au-delà de la philosophie de Hegel, elle emprunte une voie différente. Elle ne peut découvrir le noyau rationnel que cache sa coque mystificatrice, ni le soumettre à une critique matérialiste qui mettrait a nu, dans les relations de classe existantes, les limitations historiques de la société bourgeoise. Ceci n'est possible que du point de vue du prolétariat, son opposition réelle à la société de classes bourgeoise. Le point de vue dialectique ne s'intéresse à tout le processus historique qui commence avec la révolution bourgeoise, que pour produire le mouvement révolutionnaire de la classe travailleuse dont le marxisme est l'expression théorique. Ce n'était pas là une théorie d'un mouvement prolétarien qui serait développée sur sa propre base, mais une théorie qui surgie de la révolution bourgeoise, porte encore. Dans sa forme et dans son contenu, les marques congénitales de la théorie révolutionnaire bourgeoise.

Ni Marx, ni Engels ne niaient les racines historiques de leurs théories matérialistes et de la philosophie bourgeoise. Mais, dans Marxisme et philosophie, Korsch fait remarque que cette connexion n'implique pas que la théorie socialiste doive garder ce caractère philosophique dans son développement ultérieur, pas plus d'ailleurs qu'elle n'implique que le jacobinisme de la théorie révolutionnaire bourgeoise doive rester un aspect de la révolution prolétarienne. En fait, Marx et Engels cessèrent de considérer leur position matérialiste comme philosophique et parlèrent de la fin de toute philosophie. Toutefois, selon Korsch, ils ne voulaient pas exprimer par là une quelconque préférence pour les diverses sciences positives par opposition à la philosophie. Plus exactement, leur propre position matérialiste était l'expression théorique d'un processus révolutionnaire se produisant réellement, qui, abolirait la science et la philosophie bourgeoises en abolissant les conditions matérielles et les relations sociales qui trouvent leur expression idéologique dans la science et la philosophie bourgeoises.

Bien que, dans les Thèses sur Feuerbach, Marx affirme que: "les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de diverses manières ; l'important, cependant, c'est de le transformer ", cette transformation est à la fois théorique et pratique. Dans l'interprétation de Korsch, on ne peut ignorer la philosophie ni également supprimer les éléments philosophique du marxisme. La lutte contre la société bourgeoise est aussi une lutte philosophique, même si la philosophie révolutionnaire n'a pas d'autre fonction que de participer à la transformation du monde ( lire la suite...)

Liens sur Karl Korsch:

- Lire " Marxisme & Philosophie ", 1923,revu  en 1931. (version anglaise):http://www.marxists.org/reference/subject/philosophy/works/ge/korsch.htm

- la crise du marxisme (Texte de 1931)http://www.left-dis.nl/f/marxcris.htm

-l'idéologie marxiste en Russie ( Texte de 1938)http://www.left-dis.nl/f/idkorsch.htm

- The present state of problem of Marx ism & philosophy:an anti-critic( Karl Korsch): http://www.geocities.com/cordobakaf/marxphil.html

-Why Am I a Marxist ? ( Karl Korsh ): http://www.geocities.com/cordobakaf/korschmarx.html

-introduction to the capital ( Karl Korch: http://www.geocities.com/cordobakaf/korschcapitala.html

-Karl Korsch a marxist friend of anarchism ( A.L Giles Peters,1967,1973) : http://www.geocities.com/CapitolHill/Lobby/2379/korsh.htm

- Lettre d'Amadeo Bordiga à Karl Korsh ( 1926):http://www.sinistra.net/lib/upt/prcomi/ropa/ropanrobuf.html#text

- le marxisme  ( état et définition ) Denis Collin:http://dicophilo.free.fr/dicom.htm

-Ecole de Francfort /Dialectiques: http://www.chez.com/patder/biblio.htm

 

-Relire Korsh  ( introduction à" Guerre & Révolution de Karl Korsh " abirato@free.fr )

Fidèle à sa conception de la " spécificité historique ", Karl Korsch traite de la guerre en la situant historiquement, c'est-à-dire qu'il replace les conflits dans leur époque. Il distingue ainsi deux grandes périodes : l'époque moderne, laquelle s'étend de l'essor du capitalisme, à la Renaissance, jusqu'au début du XXème siècle, époque du développement progressiste de la bourgeoisie - " progressiste " au sens où elle est encore en lutte avec la société féodale -, et l'époque contemporaine débutant avec la Première guerre mondiale. Serge Bricianer 1, présentant en 1975 les textes de Korsch dans Marxisme et contre-révolution, rappelait que les guerres de l'époque moderne sont marquées, pour Korsch, par une " intime liaison " entre la guerre totale et le mouvement révolutionnaire de l'essor de la bourgeoisie : la première unifiant et exaltant les forces de ce développement. Korsch s'étend longuement sur cette liaison entre la guerre et le développement historique du capitalisme à l'époque moderne. Durant toute cette période, la guerre a été un élément constitutif du développement du capitalisme, un moyen de dépasser ses conditions féodales d'existence et les rapports sociaux anciens qui leur étaient liés. Les guerres contemporaines, qu'inaugure la Première guerre mondiale, apparaissent dans un tout autre contexte, elles n'ont plus le caractère révolutionnaire bourgeois qu'elles avaient précédemment. Ce premier conflit mondial du XXème siècle clôt pour Korsch la longue période des guerres comme moments progressistes du développement capitaliste. Avec la Deuxième guerre - dont le texte proposé ici est une analyse à chaud datant de 1941 - il n'y a plus pour Korsch de caractère progressiste des guerres capitalistes ni de possibilité de leur transformation en révolution sociale. Comme le précise Serge Bricianer, l'élément impérialiste a désormais pris le dessus sur l'élément " progressiste ". Les guerres deviennent essentiellement des luttes intestines aux classes dirigeantes et non plus des moments constitutifs du développement capitaliste ; elle vont de pair, entre autre, avec l'intégration " démocratique " ou autoritaire du mouvement ouvrier dans l'appareil d'Etat (New Deal américain, Fronts populaires, fascismes et résistances démocratiques antifascistes). La guerre s'est modifiée à mesure que se transformait la société capitaliste. La Première guerre mondiale voit le triomphe du défaitisme comme mot d'ordre révolutionnaire, la fin de la barbarie guerrière ouvrant sur la révolution, en Russie et en Allemagne. Dans le contexte nouveau des guerres contemporaines, le mot d'ordre de défaitisme révolutionnaire a perdu tout le sens qu'il avait à l'époque précédente. Tout d'abord, remarque K. Korsch, au moment de la Deuxième guerre mondiale, il est même devenu le mot d'ordre de la bourgeoisie française pour conserver son pouvoir économique et social : " Plutôt Hitler que le Front populaire ". Plus lourd de conséquences, la transformation de la guerre signifie l'entrée en scène des corps militaires spécialisés, la population est maintenue dans une attitude passive, par la peur, et devient la principale victime des guerres. Ces changements sont perceptibles dans le langage militaire récent, où les pertes civiles deviennent des " dommages collatéraux ", prévisibles et inscrits dans le cahier des charges. La Deuxième guerre s'inscrit, en effet, comme le fascisme, dans une perspective de contre-révolution et d'époque nouvelle, marquée par un capitalisme monopoliste étatique plutôt que concurrentiel et privé. Le fascisme allemand n'avait pas seulement pour tâche de briser la résistance ouvrière à l'exploitation accrue, mais aussi, dans le contexte historique de la période d'agitation révolutionnaire 1917-1936, de supprimer pour longtemps tout mouvement indépendant de la classe ouvrière européenne. La leçon de 1917 a été retenue, il s'agit d'éviter pour les classes dirigeantes, que se reproduise le cauchemar russe et allemand de 1917-18 : des Etats en crise face a une armée de conscription emportée par l'agitation révolutionnaire. Avant tout, il s'agit d'éviter que la désintégration de l'Etat capitaliste, du fait de la guerre ne crée un vide politique qui favorise une subversion sociale de l'ordre capitaliste et n'ouvre la voie à une réorganisation non capitaliste de la société. Le pouvoir de l'Etat capitaliste, même en pays vaincu, doit demeurer intact. Ce sera, lors de la Deuxième guerre mondiale, le principal souci de la classe dirigeante des pays vainqueurs dans les pays vaincus (Allemagne, Japon). De plus, plusieurs exemples, depuis la Deuxième guerre mondiale, montrent la fragilité d'une armée de conscription, dès lors qu'elle est engagée dans un conflit de longue durée 2. La validité de cette analyse fut confirmée, à nouveau, lors des guerres récentes où les pouvoirs occidentaux ont tout fait pour laisser intacts les appareils d'Etat dits ennemis. En effet, le soucis durant la guerre du Golfe fut de ne pas laisser l'Etat irakien en totale perdition ; ou durant la guerre de l'OTAN contre la Serbie d'occuper, au Kosovo, le terrain abandonné par l'armée serbe, en créant rapidement un protectorat sur la région. Ainsi les analyses de Karl Korsch, faites pendant la deuxième guerre mondiale dégageaient et mettaient en évidence les principales tendances des guerres à venir dans la nouvelle période capitaliste. Dans la présentation déjà citée, Serge Bricianer soulignait toutefois que Korsch avait passé sous silence la guerre de partisans ; la disparition de " la horde armée ", caractérisant la guerre totale, devant être ainsi relativisée par l'apparition, dans l'après-guerre, de mouvements de guérilla nationalistes mobilisant des populations, dans le but de l'émancipation nationale ce qui implique la création de rapports salariaux modernes. On peut remarquer que même ces luttes tendent à se soumettre à cette spécialisation militaire dont parlait Korsch. Ce fut, en particulier, le cas au Kosovo et dernièrement en Tchétchénie, où les résistances armées nationalistes se sont constituées sous la forme de corps spécialisés, les populations étant moins leur base logistique que les victimes et les enjeux des affrontements 3. Aujourd'hui, les armées d'intervention impérialiste des Etats poursuivent leur transformation et leur spécialisation. Dans un contexte de restructuration des économies fondée sur une précarisation croissante du marché du travail et une marginalisation massive de la surpopulation prolétaire, et de conflits sociaux prévisibles, l'armée doit protéger également l'Etat contre les nouvelles classes dangereuses. Encore plus que par le passé, l'armée doit être prête à assumer un rôle de police interne. Pour mieux comprendre ces développements, il n'est pas inutile de relire Karl Korsch. 1. Pour une courte biographie de Serge Bricianer on se reportera au texte de Charles Reeve, " Serge Bricianer, des nuances du noir et du rouge vif ", Oiseau-tempête, n° 2, automne 1997, Paris. 2. Ce fut le cas de l'armée portugaise enlisée, de 1961 à 1974, dans une guerre coloniale en Afrique, et avec des conséquences différentes celui de l'armée américaine au Vietnam, de 1965 à 1973. 3. Par opposition, la lutte de l'EZLN au Chiapas correspond davantage à une forme classique de guerilla. Collectif Ab irato introduction à "La guerre et révolution". Karl Korsh. abirato 2000. disponible des les librairies militantes, ou par correspondance. ab irato BP 328 75525 cedxe 11 Paris France. mailto:abirato@free.fr http://abirato.free.fr/

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DEBAT: La Laïcité en France, en Europe & dans le monde.

BASTIAN (Jean-Pierre),ROUSSELET (Kathy),CHAMPION (Françoise),La Globalisation du religieux. Paris,L ’Harmattan,2001,282 p.


Cet ouvrage collectif rassemble les contributions de vingt et un auteurs au colloque de l ’Association Française de Sciences Sociales des Religions (AFSR),tenu à Paris à l ’IRESCO,les 5 et 6 février 2000.Il affronte l ’incontournable question e la globalisation,et de son effet sur les religions.Jean-Pierre Bastian,
Françoise Champion et Kathy Rousselet résu-ment ainsi la perspective :«Le religieux est lui aussi transformé,e façon aussi intense que rapide,par ces changements spatio-temporels »(p.9)que l ’on a pris l ’habitude de définir par les termes «mondialisation »ou «globalisa-tion ».Les principaux effets de ce phénomène sont le passage de «l ’international »au «transnational »(les logiques nouvelles mises en oeuvre ne dépendent plus de la politique des États),le développement de «réseaux »structurés par la demande individuelle ou associative,la constitution e nouvelles «hybridités ».Elle entraîne à la fois une orientation plus individuelle,mais aussi de nouvelles logiques associatives :ans un monde devenu sans frontières,l ’association élective,la communauté e
croyants rassure.Les pentecôtismes (étudiés par Jean-Pierre Bastian,Marion Aubrée,Laënnec Hurbon et David Lehman)paraissent particulièrement en affinité avec ce mouvement de globalisation,tandis que d ’autres Églises choisissent,soit es stratégies de repli identitaire(Église orthodoxe russe,étudiée par Kathy Rousselet),soit es dynamiques oecuméniques nouvelles (étudiées par Yves Bizeul),ou es recompositions transdénominationnelles,telles
qu ’on les observe notamment au sein du protestantisme évangélique,au travers,par exemple,du phénomène e plus en plus important desmega-churches (analysé par Danièle Hervieu-Léger et Jean-Paul Willaime).L ’Europe,objet des regards croisés e Matthias König,Clairede Galembert,Martine Cohen et Solange Wy musch,constitue un dossier particulièrement révélateur du dépassement des États-nations et des défis auxquels sont du coup confrontées les religions.Il n ’est pas possible de rendre compte de la richesse de chaque exposé.
On se limitera à en recommander la lecture,non seulement pour la richesse d ’informations proposées,mais aussi pour les clarifications conceptuelles (échelles «internationale »,«transnationale »,«locale »,«glocalisation »...)et les vertus méthodologiques e la comparaison,illustrées avec bonheur dans de nombreuses communications.
On se bornera à esquisser,in fine ,deux suggestions critiques,inspirées de certaines réflexions conclusives e Jim Beckford et deBertrand Badie.Le second pose ainsi cette question :«L ’un es effets les plus étonnants de l ’abolition es distances n ’est-il pas que les frontières entre le religieux,le politique,l ’éco-
nomique,le social sont de moins en moins nettes et e plus en plus iscutables ?»(p.267).
Derrière cette simple question,jetée en conclusion,s ’avance un immense ébat,très peu traitélors du colloque :celui de l ’articulation finalement discutable entre globalisation et modernité.Suivant les analyses sociologiques classiques,la modernité s ’est construite dans une logique de différenciation fonctionnelle des sphères.Or,si l ’on suit l ’hypothèse de Bertrand Badie,la globalisation pourrait bien,en euphémisant toutes les frontières,mettre en péril
cette fameuse «différenciation es sphères »sur laquelle la modernité s ’est appuyée epuis les Lumières.Ce qui permettrait e poser la question «religion et globalisation »dans des termes autrement plus cruciaux que la question,certes centrale,du degré ’adaptation es religions au phénomène e mondialisation.En
d ’autres termes,si l ’on suivait toujours l ’hypothèse e Badie,la globalisation pourrait ébranler les bases ’une modernité «ifférenciée »
(où le politique,l ’économique,le religieux. sont clairement séparés)et éventuellement redonner aux religions (à certaines religions ?)
une part plus importante qu ’elles ne l ’ont eue ces dernières écennies dans la gestion es identités,dans la définition u lien social.
Quand l ’État national «moderne »se délite, quand les réseaux prennent le pas sur les institutions territorialisées,l ’hypothèse d ’un retour à une expression sociale plus extensive des religions peut-elle être écartée ?La question mériterait sans doute ’être examinée plus avant.
Quant à la suggestion inspirée e Jim Beckford,elle est la suivante :évoquant Marc Gaborieau qui souligne la diffusion fort ancienne des grandes religions «ans ’immenses parties u monde »,ou les «mouvements religieux américains »qui mettent en place,dès le XIX e siècle, «es réseaux internationaux aussi puissants
que ceux es entreprises commerciales et industrielles contemporaines »(p.274),on ne peut s ’empêcher de penser,surtout si l ’on fait profession d’historien,à la tradition transnationale séculaire e nombreuses religions,commel ’islam ou le christianisme.Une réalité d ’évidence est la très large antériorité des dynami-
ques religieuses transnationales sur les dynamiques politiques transnationales.Durant des siècles,tandis que l ’Europe était politiquement morcelée,la«globalisation »est passée par l ’Église catholique médiévale,au travers un mythe porteur de la «chrétienté ».De la même manière,tan is qu ’une partie du protestantisme s ’est fortement territorialisée du XVI e au XVIII e siècle sur la base d ’une «confessionnalisation »nationale et étatique,une autre sensibilité protestante,de type conversionniste et revivaliste,s ’est au contraire exprimée sur un axe résolument transnational,déterritorialisé.
Le «Grand Réveil »es années 1734-1744, nourri par es échanges transatlantiques très intenses,traduit à merveille ces dynamiques,sur lesquelles s ’est appuyé ce que l ’on appelle le protestantisme évangélique.Cet arrière-plan historique (que l ’on aurait pu compléter par des exemples issus e l ’islam,u judaïsme,u
bouddhisme)invite,en poursuivant sur la lancée de Jim Beckford,à relativiser la problématique des stratégies ’adaptation es religions à la globalisation.Elle est certes importante,mais elle paraît avoir fait l ’objet d ’un traitement presqu ’unilatéral,comme si les religions étaient surtout «structurées »par le contexte international,et non,également,«structurantes ».En d ’autres termes,il eut sans doute été intéressant de renverser aussi la perspective,et de se demander en quoi les religionsont parfois préparé,contribué,annoncé la globalisation.À l ’interrogation sur l ’impact de la globalisation sur les religions répond donc celle
(symétrique)e l ’apport actif des religions au phénomène e globalisation.

Effleurée parfois,cette question n ’a pas fait l ’objet du traitement qu ’elle aurait sans doute mérité.Loin ’avoir toujours à s ’adapter à la mondialisation (certaines religions fonctionnent depuis es siècles en réseaux transnationaux),on peut se emander si elles n ’y ont pas irectement contribué par leur
influence culturelle et sociale.Est-ce un hasard si le pays aujourd ’hui le plus favorable à l ’abaissement des frontières douanières (lesÉtats-Unis)est aussi celui dont la culture religieuse majoritaire (fortement colorée de type «évangélique »)refuse la territorialisation es appartenances (modèle de la congrégation plus
que de la paroisse)?D ’autres facteurs (économiques,culturels)interviennent évidemment aussi,mais la variable religieuse «structu-
rante »peut-elle être ignorée pour autant ?Ces questions,loin e limiter l ’intérêt de l ’ouvrage recensé,lui rendent ainsi hommage.C ’est grâce au brio des contributions,à la fécondité des analyses croisées,à l ’audace des mises en perspectives introductives et conclusives qu ’il est
possible non seulement ’obtenir des réponses, mais aussi de poser des questions nouvelles.
Sébastien Fath.

 SOURCE : BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE....http://www.ehess.fr/centres/ceifr/assr/index.html                  

 

                  Le  Sens de la Laïcité  en France & en Europe selon F.Champion( sociologue)

Conférence sous l'égide de l'Université de tous les savoirs ,Françoise Champion,sociologue attachée au laboratoire du CNRS"Religions &Laïcité " ,Juin 2000.

http://www.canal-u.education.fr/canalu/affiche_programme.php?vHtml=&programme_id=166

F.Champion se définit pour une laïcité ouverte  quelque peu floue et de compromis,Henri Pena-Ruiz quant à lui, ne représente pas la laïcité de combat comme on a pu le dire ici et là, mais une laïcité qui se définit comme seule garante de l'équilibre civile,contre le rempart au racisme et au communautarisme.

 

                          Le sens de la Laïcité  en France et en Europe selon  Henri Pena-Ruiz ( philosophe)

Dieu & Marianne : Philosophie de la laïcité : lire l'article >>>>

Laïcité contre Pensée Unique : Mouvement Europe & Laïcité :  lire la conférence >>>

La laïcité comme rempart contre les racismes : lire la conférence >>>

L'éditorial du Monde n'a pas été suivi d'effet dans la Grande presse.Pourquoi ce silence ?


Faut-il  Revoir la loi de 1905 ? 

 Editorial du Monde 18 Janvier 2003 http://www.lemonde.fr/

Le gouvernement s'apprête-t-il à ouvrir la boîte de Pandore, en proposant de réviser la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat ? Des ministres comme Pierre Bédier, Jean-François Copé, des hommes politiques de l'opposition, comme Manuel Valls, le demandent.

La question posée est celle du financement des mosquées. En 1905, l'islam n'était pas présent sur le sol de la métropole, tandis que les autres religions bénéficiaient déjà d'un patrimoine immobilier. La loi qui fait de la France une République laïque interdit de "salarier ou de subventionner" les cultes.

Par une curieuse ironie du sort, les catholiques en sont les grands bénéficiaires. Comme l'Eglise avait refusé de constituer les associations cultuelles prévues par la loi, son patrimoine immobilier a été confisqué. Si bien que l'entretien de la plupart des églises est à la charge des collectivités locales. Paradoxalement, les protestants, qui avaient défendu 1905, sont devenus les plus fervents partisans de sa révision.

Aujourd'hui, les 4 à 5 millions de musulmans de France ont besoin de prier dans des locaux décents. Les dons des fidèles ne suffiront pas à compenser un besoin criant de mise à niveau, pour ce qui est devenu la deuxième religion de France.

Comment faire ? La situation comporte ses hypocrisies. Pour financer indirectement la construction de nouveaux lieux de culte, l'Etat et les collectivités locales sont obligés d'encourager la formation d'associations loi de 1901, à vocation "culturelle". C'est ainsi que Jack Lang a dû dire officiellement qu'il finançait un musée d'art sacré pour verser, en 1988, une subvention de 762 000 euros pour la construction de la cathédrale d'Evry, qui appartient pourtant à l'Eglise, comme tous les édifices bâtis après 1905. Le musée est bien entendu resté une coquille vide... Comment refuser aux uns ce qu'on a accordé à d'autres ?

L'enjeu est l'orientation idéologique de l'islam de France. Beaucoup d'associations musulmanes cèdent à la tentation de recevoir des subsides de "généreux donateurs" issus des pays du Golfe. Qui peut assurer que ce financement à base de pétrodollars n'ira pas sans une contrepartie idéologique, sans la mainmise d'un islam fondamentaliste sur ces lieux de culte ? A l'heure où Nicolas Sarkozy essaie d'organiser une représentation des islams en France, il est logique que l'Etat se donne les moyens de mener cette politique jusqu'au bout.

Ce n'est pas mettre en cause la laïcité de la République que de réviser la loi de 1905. La laïcité n'est d'ailleurs pas constituée d'un bloc pur et parfait puisqu'on compte nombre d'exceptions dont l'Alsace-Moselle, espace "concordataire", où les curés, les rabbins et les pasteurs sont payés par l'Etat. Quelle que soit la solution qui pourrait être choisie pour faire évoluer la loi - réglementaire ou législative -, il est temps de dépassionner le débat. De mettre de côté les querelles d'un autre âge et d'aborder ce sujet important avec le pragmatisme qui convient.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU MONDE 18.01.03http://www.lemonde.fr/

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Questions Impertinentes par Axel Valens

Contact : axel.valens@expressions-libres.org

       

          Copy -Right ou Copy-left ?

Pour le moment, le  copy-left  doit être clairement exposé ce que je m'apprête à faire après la lecture de l'article d'Ariel Kyrou dans le numéro 10 de Multitudes ( octobre 2002) ... CR A VENIR oOOOOUUPS!

                                La Femme, le Pouvoir & la Religion ?

A l'origine cette question fut posée sur une honorable liste de discussion de  professeurs de Philosophie ,à l'origine  aussi cette question était ouverte et appelait à une réflexion en commun. Hélàs, quand elle fut posée, elle déclencha une série de messages venimeux et indignes qui laissent perplexes quant à la distinction des professeurs de philosophie en leur qualité d'enseigner.L'un du reste,le plus hargneux d'entre-eux,une sorte de  pittbull,à bout de souffle et à cours d'arguments se laissa aller à vomir sa bile machiste.Au bout du compte,cette question les gênait  parce  qu'elle pointait du doigt  leur mystique pour les  auteurs antiques, chrétiens,juifs et  musulmans,leurs  prétentions .maladives à se croire les seuls détenteurs de vérités ,leurs manies de philologues qui dissèquent sans aucune perspective intellectuelle,leur conformisme moral,leur convention de penser et leur phallocratie. Au bout du compte, que reste-t-il de ces échanges ? Rien sinon qu'on comprend mieux pourquoi l'enseignement de la philosophie va si mal... Mais je n'ai pas abandonné l'idée d'en faire un numéro spécial. seulement j'ai  appris que Multitudes sortirait un numéro ( le numéro 13) sur ce sujet ... en attendant ,voir tout de même à ce propos  l'entretien qu'a accordé Sana Benachour,agrégée de droit public et féministe tunisienne au Monde :http://www.lemonde.fr/abonnes/imprimer_article_ref/0,9883,3230-7027-254961,00.html

Autre site intéressant pour les Femmes " comment L'Eglise considère les femmes ?"

http://www.womenpriests.org/fr/traditio/inferior.htm

C'est autre question fera  l'objet d'une discussion.En effet,l'on ne peut qu'être surpris du développement du bénévolat qui prend de multiples formes dans le monde du travail ou dans les milieux associatifs.Si pour certains ce bénévolat prend les contours de l'engagement militant presque sacerdotal ,d'autres soulignent en revanche le caractère destructeur  et le profit qui se dégage d'une activité non-rémunérée.Loin d'être une avancée sociale,il pourrait s'avérer que le bénévolat est une forme déguisée de l'exploitation  et donc du vol... 

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Ecran :

Gangs of New York est une fable inaugurale, l’acte de naissance d’un pays et d’un imaginaire qui n’en finissent pas de naître. Proche de la chanson de geste, le film tire sa beauté d’une mélancolie qui émerge en de multiples endroits, à chaque dédoublement, à chaque bifurcation narrative ou visuelle, à chaque changement d’échelle dont Scorsese l’a parsemé. Sans cesse, en effet, le film est dépassé par ce qu’il a mis en place peu de temps auparavant, au gré d’une belle dialectique entre le général et le particulier, l’horizon individuel et la perspective collective. ( lire la suite de l'article sur Chronicart >>>>)

Ce documentaire tente de décrypter les commentaires tenus sur le conflit israélo-palestinien et de répondre aux questions suivantes : comment parle-t-on du conflit au Proche Orient ? Comment parle-t-on de ses protagonistes ? Pourquoi ces troubles font-ils l'objet de passions aussi fortes ? Quelle est la mécanique des médias qui instruisent l'opinion ? ( lire l'une des  critiques >>>) EN réalité c'est un documentaire d'opinion qui veut  contre-balancer le parti-pris présumé  palestinophile de certains médias ...

Conclusions : voir ce que je pense des médias en général et du quatrième pouvoir en particulier dans leur fabrication d'une opinion publique et leur pouvoir sur les esprits ( cf numéro 4 expressions-libres )

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Pages du Supplément:  les Nouveautés ...

 Analyse du texte de Michel  Foucault "il faut défendre la société "...

Cartographie- Rapport Collier de la Banque Mondiale etc.... ( s'y rendre >>>>)

Note de lecture.

 Le problème de la vérité: Vérité et mensonge au sens extra-moral de Nietzsche 1883.

Guattari : Eco-sophie , liens web, avec Deleuze "Qu'est-ce que la Philosophie ?" 1991,etc... (s'y rendre>>>)

Barthes ( s'y rendre >>>)

Lascaux/Chauvet,,Kasimir Malevitch, Paul Virilio ,nouveaux liens....

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